Là où les deux candidats sont dans l'erreur selon moi, c'est sur le fondement même de leur politique, avec comme objectif l'augmentation de la croissance . Ca apparait aujourd'hui comme une évidence, mais qui s'est demandé à qui profitait la croissance ?
Est-ce-que le pouvoir d'achat de quelques occidentaux justifie le fait d'exploiter le tiers-monde et les ressources de la planète ?
Voici quelques passages d'un texte paru dans "La décroissance" en 2004.
Ca peut parraitre un peu hors-sujet, mais c'est tout à fait en rapport avec le "travailler plus pour gagner plus" de Sarko et la pseudo gauche du PS.
[...]La croissance mondiale a donc cessé, depuis le milieu des années 1990, de profiter aux plus pauvres. Plus étonnant, depuis le début de l’année 2004, les économistes orthodoxes sont pour la première fois contraints d’admettre que notre économie de croissance appauvrit également une partie de la population des pays riches car même une croissance forte ne crée plus d’emplois. Marc Touati, (de Natexis banques populaires), affirme que “ le phénomène d’une croissance sans emplois a traversé l’Atlantique, à un détail près : ici la croissance détruit des emplois(3) ”. En Chine, qui a connu en 2003 la croissance la plus forte du monde avec un taux stratosphérique de 9,1 %, le chômage augmente pourtant. Depuis 2000, la France connaît même une nouvelle vague d’immigration chinoise. Il s’agit à 90 % de femmes, apparemment les plus durement touchées par la crise économique due aux fermetures des usines d’État. Arrivées en France, beaucoup ont recours à la prostitution(4). D’après Catherine Rollot :
Malgré une forte croissance de plus de 7 %, l’Asie de l’Est (Chine Corée, etc.) a vu son chômage augmenter. (…) En Asie du Sud enfin, le chômage est resté stable malgré une hausse de 5,1 % du produit intérieur brut (PIB). Les travailleurs pauvres y restent nombreux et l’emploi informel a progressé(5).
Le phénomène n’est pas totalement nouveau puisque depuis le début des années 1970, le nombre d’emplois en France n’a, malgré la croissance, augmenté que de 11 % (hors emplois aidés), alors que la population augmentait sur la même période de 18 %, et la population active de 23,5 %. Ce retard de l’emploi sur la démographie s’expliquait par l’accroissement de la productivité : on produit aujourd’hui plus qu’il y a 30 ans avec beaucoup moins de travail. Depuis la fin de la décennie 1970 le PIB a en effet augmenté de plus de 50 %, la productivité du travail a donc explosé tandis que le temps de travail légal n’a diminué que de 12 %.
Mais si les choses s’aggravent depuis peu en matière d’emploi c’est parce que, pour la première fois, les limites de la planète se font sentir. Malgré les pressions occidentales sur les pays producteurs, les premiers signes d’épuisement des matières premières infléchissent inexorablement, depuis 2002-2003, leurs cours en une courbe ascendante. Les ressources renouvelables ne seront d’ailleurs pas épargnées. Des ressources comme l’eau potable, les bancs de poissons océaniques, le couvert forestier ou les terres agricoles, toutes renouvelables, menacent parfois de s’épuiser plus vite même que les énergies fossiles. Renouvelables ou pas toutes les ressources terrestres sont limitées.
Le droit social mondial et le pouvoir d’achat occidental
Face à ces contraintes que les limites de la planète font peser sur l’économie mondiale, la gauche européenne n’a brillé, c’est le moins que l’on puisse dire, ni par le courage ni par l’imagination pour proposer des solutions. Il est à peine concevable qu’elle n’ait jamais songé à se mobiliser pour obtenir l’interdiction d’importer des produits fabriqués par des travailleurs privés de droits sociaux. Ni pour donner le premier rôle au Bureau International du Travail plutôt qu’à l’OMC dans l’élaboration des règles de l’échange international. De tels dispositifs législatifs permettraient pourtant de repousser le spectre de la concurrence des travailleurs sous-payés pour défendre notre droit social. Mais si la gauche ne s’est jamais mobilisée pour ce type de législation, c’est parce que dans son égoïsme suicidaire elle craint une baisse du pouvoir d’achat de l’Occident si celui-ci payait à son vrai prix le travail des ouvriers du Tiers-Monde.
Si l’Europe refusait d’importer des produits fabriqués par des travailleurs surexploités, elle contribuerait à faire progresser le droit social asiatique, africain et sud-américain à pas de géant. Un plafonnement mondial du temps de travail à une quarantaine d’heures hebdomadaires assurerait par exemple le plein emploi en Chine. Les femmes chinoises retrouveraient du travail et ne seraient plus obligées de venir se prostituer en Europe. La main d’œuvre chinoise n’intéresserait plus les entreprises européennes, l’Europe retrouverait donc ses emplois et ses droits sociaux.
Bien évidemment, le pouvoir d’achat des consommateurs européens diminuerait car ces derniers consentiraient à payer le travail humain à son vrai prix, et ils perdraient l’habitude de gaspiller ! Produire en Asie pour consommer en Europe n’aurait plus de sens et la consommation énergétique engloutie dans
les transports perdrait sa raison d’être.[...]
http://endehors.org/news/pour-une-decro ... -equitable